|
Education
Physique et Sportive (EPS) ![]() |
|||
Histoire de BruniquelA la limite du Quercy et de l'Albigeois, le bourg fortifié de Bruniquel occupe un site défensif établi sur un promontoire des gorges de l'Aveyron, au confluent de cette rivière et de la Vère. Dès la lointaine préhistoire, les hommes ont fréquenté ces vallées où ils ont laissé de nombreux vestiges explorés par les archéologues. À l'époque romaine, Bruniquel appartient à une ligne de postes échelonnés le long de l'Aveyron à partir de Najac. Au début du Moyen Âge, selon la légende, une forteresse aurait été construite par la Reine Brunehaut (534-613), la fille d'un roi wisigoth, au sommet de la falaise dominant l'Aveyron. Le toponyme de Bruniquel serait lié au nom de cette femme d'origine germanique (Brunihild ou Brunehaut). Plus tard, la ville de Bruniquel bien défendue derrière ses murailles, a connu un grand essor en devenant un lieu de passage obligé pour les marchands et une halte pour les pèlerins sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Devenue place forte du protestantisme au XVIe siècle, elle conserve un rôle économique majeur qui se poursuit jusqu'au XIXe siècle. Les vestiges de la préhistoireDécouvert récemment par des spéléologues caussadais, le site de la grotte de Pouxets, près de Bruniquel, est remarquable, car il atteste de la présence des hommes dans la vallée de l'Aveyron, il y a près de 50000 ans. La découverte d'un petit os d'ours brûlé, à l'intérieur d'un cadre fait de stalagmites brisées, témoigne que des feux ont été allumés dans un campement souterrain situé dans les parties profondes de la grotte. Ce vestige peut être daté au moins de 47.600 ans. Cela signifie que les hommes ont séjourné dans des grottes, plusieurs milliers d'années avant qu'apparaissent les peintures rupestres (celles de la grotte Chauvet en Ardèche remontent à environ 31.000 ans). On ne sait s'il s'agissait d'hommes de Neandertal ou d'homo sapiens sapiens… Les nombreuses fouilles des abris sous roches des bords de l'Aveyron (Plantade, Lafaye, Gandil, Montastruc) qui ont été commencées au XIXe siècle ont livré une multitude de vestiges de l'époque du paléolithique supérieur et plus particulièrement du magdalénien. Une grande diversité de matériel en silex taillé ou en os et bois de renne a été trouvée. Les plus originaux sont les harpons ou les propulseurs à crochet en bois de renne qui servaient à lancer des sagaies. Ils se composent d'une tige rectiligne d'une vingtaine de centimètres. Le côté du crochet est décoré d'une figure animale sculptée en ronde-bosse comme " le cheval sautant " figurant ci-dessous (percé par un œillet à l'extrémité et dont on n'est pas sûr qu'il s'agisse d'un propulseur)… Bruniquel. " Cheval sautant " On a aussi découvert dans ces sites plus de 300 objets de parures en os, en dents perforées, en bois, en coquillages, en perle, en ivoire ou en pierres de toutes sortes (stéatite, hématite…) Une citadelle médiévale ancienneSelon un récit probablement légendaire qui remonte au XVIIe siècle, la Reine Brunehaut (534-613) fille du Roi des Wisigoths Athanalgilde et épouse du Roi d'Austrasie Sigebert, petit-fils de Clovis, aurait fait construire une imposante forteresse et fondé le village de Bruniquel en lui donnant son nom (Brunichildum d'après un manuscrit de l'abbaye de Moissac). Il est vrai que les traces d'un édifice remontant au VIe siècle ont été retrouvées à l'emplacement des deux châteaux neufs et vieux qui existent encore aujourd'hui. Au cours du haut Moyen Âge, s'effectue la christianisation des vallées et une paroisse rattachée au diocèse de Cahors se crée. Dans les campagnes, s'organise le servage et le système féodal se met en place. Profitant d'un site défensif permettant de bien contrôler les vallées, un " castrum ", un lieu fortifié assurant la protection de la population, est alors édifié. Bruniquel appartenait à la ligne de défense des bourgs castraux créée depuis Najac sur la rive gauche de l'Aveyron et comprenant notamment Penne. Au Xème siècle la famille Raymondine des Comtes de Toulouse et de Rouergue prend le contrôle de la vicomté de Bruniquel. " Vue du château de Bruniquel du côté de l'Aveyron ", aquarelle dans les archives des visites archéologiques en Tarn-et-Garonne d'Alexandre Du Mège (vers 1820) Bruniquel la cathareBruniquel, ville anglaise à la fin du XIIe siècle, de 1188 à 1196, par le mariage d'Éléonore d'Aquitaine avec Henri II Plantagenet, devient ville cathare au début du XIIIe siècle, et elle est, semble-t-il, largement gagnée par l'hérésie albigeoise. Le seigneur du château était Baudouin, demi-frère du comte de Toulouse Raymond VI, le protecteur des cathares. Baudouin accueille dans son château un troubadour Guillem de Tudèle, qui prédit dans une canso " que le pays allait être brûlé et ravagé "… En 1211, en effet, l'armée des croisés conduite par Simon de Montfort s'approche de Bruniquel. Baudouin peu disposé à résister et encore moins à détruire la ville comme on le lui demande, trahit son frère Raymond en se rendant à la rencontre de Simon de Montfort. Il devient " chevalier du Christ " en prenant part avec les troupes royales à la croisade contre les cathares. Le 12 septembre 1213, à Muret, aux côtés de Simon de Montfort, il mène l'assaut, à la tête d'un corps de cavalerie. Cinq ans plus tard, après de la prise de Toulouse où meurt Simon, Baudouin, trahi à son tour, est livré à son frère le comte Raymond et pendu à Montauban. Bertrand, fils naturel de Raymond VI devient seigneur de Bruniquel. La guerre albigeoise se termine sous la régence de Blanche de Castille, mère de Saint-Louis, par le traité de Paris, en 1229. La vicomté de Bruniquel est alors rattachée à la province royale du Languedoc. L'essor d'une cité marchande à partir du XIIème siècle.C'est au XIIe siècle que le château vieux se dote d'un donjon, la tour dite " de la Reine Brunehaut ", tandis qu'au XIIIème siècle se construit la salle des chevaliers à superbes fenêtres géminées. Les murailles (les " murs vielhs ") qui entourent la ville sont progressivement trop étroites et une nouvelle enceinte est édifiée en 1355. On retrouve sur le plan actuel du village les différentes portes qui permettaient d'entrer dans la ville disposée en étages et en demi-cercle autour des châteaux : un château neuf ayant été construit au XIVe siècle, au moment où le pouvoir seigneurial est partagé entre deux branches de la Maison de Comminges. Bruniquel connaît une grande activité commerçante, notamment lors de ses 3 marchés hebdomadaires, et elle attire les marchands à l'occasion de ses 3 foires annuelles. Les riches boutiquiers ou artisans possèdent de belles maisons en pierre ou en bois, en encorbellement et à colombages. Ces demeures sont ornées de tourelles, de fenêtres géminées ou à meneaux et de têtes sculptées. Le plus bel exemple est la maison Payrol dont les pièces intérieures comportent des cheminées monumentales, des peintures murales et un beau plafond du XVème siècle. Dessin de 1834 : la place Méjane La " place de sûreté " huguenoteDès 1561, un pasteur montalbanais nommé Pierre Dupeire vient à Bruniquel prêcher la Réforme. Les notables (marchands, hommes de loi) l'ont entendu et ont embrassé la " religion prétendue réformée " (R.P.R.) : ils se glorifient d'avoir été une des premières cités à " se libérer du joug catholique ". Ils font bâtir un temple et leur ville devient une place de sûreté, une place forte qui a la liberté de disposer d'une garnison pour se défendre. Faisant partie des 15 églises protestantes du Haut-Languedoc, Bruniquel accueille plusieurs synodes ou assemblées huguenotes. L'église catholique est détruite pendant les guerres de religion et n'est reconstruite qu'au XVIIe siècle. En août 1621, lors de l'envoi de l'armée royale pour reprendre le contrôle du Bas-Quercy et vaincre la résistance des Montalbanais, Bruniquel a été occupée par les troupes du duc de Mayenne. Une tentative de reconquête du château a été conduite par une armée protestante, mais celle-ci doit abandonner la partie, au début de 1622. Cette année-là, Nègrepelisse subit la fureur des troupes royales : le château est rasé et la population massacrée. C'est le signal de la reconquête, par Louis XIII. Comme Nègrepelisse, Bruniquel n'est plus une place de sûreté huguenote et les remparts de la ville sont rasés. La communauté huguenote reste bien implantée chez les notables comme en témoigne le bon niveau d'alphabétisation constaté dans les registres du consistoire. Il n'empêche que la mainmise catholique sur le consulat s'affirme de plus en plus au temps de Louis XIV. La révocation de l'édit de Nantes qui avait valu une longue période de tolérance s'annonce. En 1685, la destruction du temple et les dragonnades avec le logement forcé des soldats dans les maisons huguenotes viennent à bout des libertés protestantes. En septembre, le commissaire du roi mentionne dans son rapport à l'intendant que " tous les habitants de la RPR du village, au nombre de 850 se sont convertis ". Quelques-uns ont pris le chemin de l'exil. Un mois après, l'édit de Nantes est révoqué. Bruniquel au XVIIIe et au XIXe sièclesLa ville continue de garder son rôle commercial au confluent de vallées très passagères entre Rouergue et Montalbanais ou entre Quercy et Albigeois. L'activité agricole de la fin du XVIIIe siècle pâtit de l'alternance d'étés chauds et d'hivers très froid avec de longues périodes de gelées ou de pluies trop abondantes. Cela conduit à un mécontentement grandissant des paysans face à l'alourdissement des charges qui deviennent de plus en plus insupportables. En 1781, la communauté de Bruniquel réagit contre les exigences de leurs seigneurs (de Rochechouard et d'Ouvrier) qui entendent imposer une augmentation des droits payés par leurs redevables.Les consuls portent l'affaire en justice, mais le sénéchal donne raison aux seigneurs, alors que les habitants de la communauté prétendent que de Rochechouard et d'Ouvrier ne respectent pas une transaction de 1328 où les droits à payer par les tenanciers restaient plus limités. Les crises s'aggravent en 1787 et 1788 et le mécontentement s'exprime dans le cahier de doléances où surgissent de nouvelles revendications. En vertu des calculs présentés dans le cahier, les revenus de la terre atteignent 25000 livres mais il faut retrancher 5000 livres pour la dîme, 11000 livres pour les impôts royaux et 7000 livres pour les seigneurs. Il reste très peu d'argent aux paysans ou aux propriétaires… Ils proposent dans l'article 12 : " L'établissement de l'impôt territorial pris en nature sur le produit des biens fonds tant nobles, ecclésiastiques que ruraux, et ce, sur les gros fruits seulement, en argent sur le produit des immeubles dont le rapport n'est pas fixé et déterminé, la quotité auquel impôt sera prise relativement à la misère des peuples et au besoin de l'État. " Dès l'été 1789, Bruniquel crée sa garde nationale et élit une nouvelle municipalité, au début de 1790. En vertu du nouveau découpage décidé par la Constituante, la commune appartient au département du Lot, au district de Montauban et au canton de Monclar-de-Quercy. A la différence de son chef-lieu de canton dont la municipalité est restée favorable à la monarchie, Bruniquel est du côté des patriotes, en 1792. C'est pendant la Révolution que s'édifie une forge située sur les bords de la Vère. Le 5 Prairial de l'an IV (1796), Jean-Baptiste Garrigou obtient de l'État la concession de minières sur les communes de Bruniquel, Cazals, Penne, Larroque et Puycelsi. Vers 1830, manquant d'eau et trop à l'étroit, cette usine s'installe à Caussanus, en amont de Bruniquel sur les bords de l'Aveyron. Pendant une vingtaine d'années, elle se développe dans des bâtiments d'une belle architecture en pierre, et la forge fabrique une fonte de qualité en employant plus de 80 ouvriers. L'usine décline après 1853 alors que le 30 août 1858 est ouverte la ligne de chemin de fer Montauban-Lexos-Capdenac qui permet alors de se rendre à Paris. Comme l'a bien montré Claude Harmelle dans " Les Piqués de l'aigle ", au lieu de favoriser l'essor des activités de la vallée de l'Aveyron, cette voie ferrée dont le trafic n'a cessé de décliner, a été le vecteur de l'exode rural qui s'est accéléré, à Bruniquel, avec la fermeture et le démontage de l'usine de Caussanus dans les années 1880. À partir de la fin du XIXe siècle, la petite industrie locale comme celle des tailleurs de pierre, l'artisanat traditionnel ont périclité à Bruniquel comme dans la plupart des bourgades de l'est du Tarn-et-Garonne, et la population de la commune n'a cessé de diminuer. Ce déclin a une conséquence positive, il permet à Bruniquel de conserver son magnifique patrimoine qui en fait, aujourd'hui, un des plus beaux villages de France. Guy Astoul Professeur d'histoire et de géograohie IUFM de Montauban Bibliographie : Pierre Malrieu, Penne en Albigeois, Bruniquel en Quercy : deux villes d'Occitanie à travers l'Histoire, Editions La Duraulié, 1986. Pierre Malrieu (en collaboration avec André Dupré), " La Maison Payrol et les Payrol, notables de Bruniquel (XIIe-XVIe siècles) ", Bulletin Société Archéologique du Tam-et-Garonne, 1992. Lucien Augier, Bruniquel, village médiéval, 1988. Edmée Ladier et Anne-Catherine Welté, Bijoux de la Préhistoire, Musée d'histoire naturelle de Montauban, 1994. Jean-Paul Damaggio, Bruniquel, village industriel : les forges du XIXe siècle, brochure, 1995. Claude Harmelle, Les piqués de l'aigle. Saint-Antonin et sa région (1850-1940), Revue Recherche 47-48, Paris, 1982.
|
||||